De Paul Daraîche à Mozart: les préférences culturelles des candidats à la mairie

La cloche de la fin de la campagne électorale sonnera dans une semaine. Le 5 novembre, les Louperivois auront à choisir leur maire pour les quatre prochaines années, à petits coups fébriles de crayon de bois dans des gymnases d’école et des salles communautaires.

Même s’ils affichent depuis un mois leurs sourires confiants sur tous les poteaux de la ville, on en connaît peu sur les trois candidats qui aspirent à gérer notre argent et à tenir fermement le volant de notre ville.

La campagne électorale ayant été piquée par la mouche du développement économique, la culture a (une fois de plus) été poussée au bas de la liste des sujets de conversation.

Comme tous les citoyens ne nourrissent pas la même passion pour l’octroi de terrains au parc industriel ou le financement du Carrefour maritime, Ma Lafontaine a demandé aux trois prétendants de partager leurs préférences culturelles et leurs idées pour le milieu local.

Les politiciens se révèlent parfois plus dans la liste de lecture de leur iPhone et le contenu de leur bibliothèque que pendant des échanges chronométrés devant une foule cravatée…

À vous de voir. Et, surtout, de voter.

 

Le livre qui a changé votre vie

Gaétan Gamache :  « Ma vie avec Mozart, d’Éric Emmanuel Schmitt. J’aimais déjà beaucoup la musique classique, mais ce livre-disque m’a ouvert au Concerto pour clarinette du compositeur. L’auteur y explique comment la musique lui a fait visiter un autre monde, vivre d’autres relations, l’a sorti de son enfance opprimée. Cette pièce m’habite depuis. Je suis même allé l’écouter dans la cathédrale de Lyon où l’écrivain avait entendu ce morceau pour la première fois. J’ai même fait jouer ce concerto lors de la signature de la convention collective avec les cols bleus. Je crois que les syndiqués trouvaient ça particulier. »

Pierre Lévesque : « Comme j’ai étudié en sciences politiques et que je m’intéresse beaucoup à l’histoire, plusieurs biographies de politicien m’ont marqué. J’ai lu toutes celles de René Lévesque. Il y a aussi une biographie de Brian Mulroney qui m’a donné la piqûre de la politique. Un professeur a réalisé, avec ses étudiants, 500 entrevues avec des personnes qui ont gravité dans l’entourage de l’ancien premier ministre. Ce portrait très complet m’a permis de comprendre la complexité de ce milieu et le grand dévouement que le pouvoir exige. »

Sylvie Vignet : « Le hasard n’existe pas. Ce livre m’a beaucoup aidée dans des situations difficiles. Quand je traverse une période de questionnement, j’ouvre une page au hasard et j’obtiens une réponse, sous forme de pensée positive. Ça m’aide à accepter que je n’ai pas toujours contrôle de ma vie et que je dois lâcher-prise sur certaines choses. »

 

Gaétan Gamache

Le meilleur film de tous les temps

Gaétan Gamache: « La liste de Schindler, de Steven Spielberg, pour sa grande leçon sur notre rôle en tant qu’être humain d’aider son voisin, mais aussi pour sa musique exceptionnelle. »

Pierre Lévesque : « La vie est belle, de Roberto Benigni, m’a touché énormément. C’est l’histoire d’un père qui réussit à monter un bateau à son fils pour lui faire traverser un des moments les plus tristes de l’Histoire, soit la Deuxième Guerre mondiale. Maintenant que j’ai des enfants, je ne serais plus capable de le regarder. Cœur vaillant (Braveheart) est aussi un film important pour moi. J’ai d’ailleurs fait des études au cégep sur le mouvement de rébellion qu’a créé ce personnage important dans l’histoire de l’Écosse. »

Sylvie Vignet : « Les descendants, d’Alexander Payne. George Clooney y joue un homme qui a travaillé fort toute sa vie et qui se retrouve, au décès de sa femme, à devoir s’occuper de ses deux filles, dont l’une est très marginale. Il réalise qu’il ne les connaît pas. Les trois s’embarquent dans une série d’aventures. J’ai deux garçons, dont l’un a toujours été marginal. Ce film m’a apaisée, en quelque sorte. Il m’a donné des réponses. J’ai aussi acheté la trame sonore du film. Cette musique d’inspiration hawaïenne me fait pleurer à tous les coups. »

 

L’album de musique que vous avez le plus écouté

Gaétan Gamache : « Le Concerto pour clarinette de Mozart. Sur le compteur de mon ordinateur, cette pièce était toujours première ! Il y a aussi beaucoup de Brassens, de Brel, de Damien Robitaille, de Richard Desjardins, de Jean Leloup et de Stromae dans mes listes de lecture. »

Pierre Lévesque : « J’ai beaucoup écouté les Sex Pistols dans la vingtaine. Le punk est une manière d’exprimer des idées, c’est un style né de la rébellion. Leur musique, c’est de la politique. Les Colocs, qui ont si bien raconté la vie en région, et Offenbach ont aussi beaucoup joué dans mes oreilles. Je suis maintenant un grand amateur de blues, mais je ne me cantonne dans aucun genre. »

Sylvie Vignet : « Tous les albums de Paul Daraîche. Cet homme a un charme fou et les yeux de mon père. Puisque je viens de la Gaspésie comme lui, je me sens une grande proximité avec ses chansons sentimentales. Il ne l’a pas eu facile, dans la vie, et on le sent dans sa voix. »

 

Un artiste visuel qui vous renverse

Toile d’Isabelle Murray (Photo tirée de Pinterest)

Gaétan Gamache : « Ce n’est pas une forme d’art que je connais beaucoup, mais chaque fois que je vois une œuvre de l’artiste locale Isabelle Murray, je suis fasciné. Son travail est souvent inspiré par le fleuve. Un jour, je vais avoir une de ses toiles dans mon bureau ou ma maison. »

Pierre Lévesque : « J’ai toujours aimé les toiles colorées de Claude Théberge, avec ses voiles au vent, ses parapluies et ses grands chapeaux. Originaire d’Edmundston, il a connu une carrière internationale. Je l’ai rencontré un jour à Cabano, lors d’une activité-bénéfice, et j’avais alors découvert la richesse de son talent. »

Sylvie Vignet : « J’ai siégé au conseil d’administration du Musée du Bas-Saint-Laurent et j’ai adoré entrer en contact avec les univers d’artistes de styles complètement différents. J’adore regarder des œuvres, mais je ne peux souligner le travail de l’un plus que de l’autre. »

 

Pierre Lévesque

Un coup de cœur récent

Gaétan Gamache: « Je suis fasciné par le slam. J’ai assisté récemment à un événement à Rivière-du-Loup. Je connaissais Grand Corps malade, mais j’ai été renversé de découvrir un slam québécois, fait par des jeunes d’ici. Ça prouve qu’on peut prendre la scène sans savoir chanter ni jouer de la guitare. »

Dawn Tyler Watson

Pierre Lévesque : « Dans mon travail de diffuseur, je nage dans les coups de cœur. Aujourd’hui, je pourrais vous parler de Dawn Tyler Watson. Elle a déjà plusieurs albums à son actif, mais je l’ai découverte à la Bourse Rideau l’an passé. Elle sera d’ailleurs au Cabaret des mauvaises habitudes en mai prochain. »

Sylvie Vignet : « J’ai craqué pour la voix et la personnalité de Ludovick Bourgeois, le dernier gagnant de La voix. Il ressemble tellement à son père. On voit aussi à quel point les sentiments sont forts dans sa famille. C’est beau à voir. »

 

Un artiste ou un projet local emballant

Gaétan Gamache : « La gang de Sparages m’accroche. Pour moi, c’est un modèle de longévité, contre vents et marées. Même si cet organisme n’a pas toujours été soutenu financièrement, il a réussi à explorer toutes sortes de formes d’art : l’improvisation, le slam, le théâtre… Je lui lève mon chapeau. »

Pierre Lévesque : « J’aime la musique des Flos et le travail de la peintre Lisianne Ouellet (Lizo), qui fait de belles toiles animalières. Elle a exposé récemment aux Fous brassant et à la Maison de la culture. »

Sylvie Vignet : « Le sculpteur Youri Blanchet, qui a notamment réalisé l’installation du Charlot devant le Cinéma Princesse, est un artiste original, très engagé dans sa communauté et qui sait bien se fondre dans tous les groupes. Ce professeur s’adresse aussi bien à un groupe d’amateurs d’art pointu que Monsieur et Madame Tout-le-Monde. Il est discret, mais il a de l’envergure. »

 

Sylvie Vignet

Votre talent caché

Gaétan Gamache : « J’aime la photographie. J’aime explorer les paysages, les personnages… J’ai des amis, qui sont de très bons photographes. Je n’ai malheureusement pas assez de temps pour m’y consacrer. »

Pierre Lévesque :« Pendant le week-end, j’aime travailler le bois, fabriquer des petits meubles. L’ébénisterie me détend. J’ai d’ailleurs construit moi-même l’intérieur de mon chalet, sur une période de 4-5 ans. Plus jeune, j’étais bon aussi pour animer les enfants. J’ai même déjà été clown ! »

Sylvie Vignet : « J’écris des poèmes depuis que j’ai 16 ans. J’en ai une bonne série, que j’aimerais éventuellement publier. L’écriture m’aide à traverser les moments plus difficiles dans ma vie. J’aime aussi faire de la poterie, mais à Rivière-du-Loup, il n’y a plus vraiment d’endroit pour en faire. »

Un talent que vous auriez aimé avoir

Gaétan Gamache: « J’ai appris trois chansons à la guitare quand j’étais jeune, mais je ne suis pas bon. Je compense en étant mélomane. Et je suis gâté parce que j’ai une pianiste à la maison ! »

Pierre Lévesque :« J’aurais aimé jouer d’un instrument de musique. J’ai déjà essayé de jouer de l’harmonica, sans succès. Je me suis acheté une batterie, et je l’ai revendue. Je n’ai pas la patience pour apprendre. Il faudrait que je sois bon tout de suite. Je regarde mon fils apprendre le piano, et il a cette patience qui me fait défaut. »

Sylvie Vignet: « J’aurais aimé savoir chanter. Tous les Noël, je vais faire un tour au Carrefour d’initiatives populaires. Une fois, pour leur faire plaisir, j’ai chanté une chanson. Je crois qu’ils l’ont regretté. (Rires) Maintenant, je me contente de lire un poème et de leur offrir le texte sur un joli papier parchemin. »

Un engagement pour la culture locale

Crédit: Tourisme patrimonial de Bas-Saint-Laurent

Gaétan Gamache: « Je crois beaucoup au projet de reconversion de l’église Saint-François-Xavier en un centre d’art, qui accueillerait notamment le Musée du Bas-Saint-Laurent. Il m’apparaît crucial de sauver notre patrimoine. La ville doit se poser en leader pour que cet espace exceptionnel soit exploité. On doit aussi créer un laboratoire d’innovation dans le milieu de la culture pour brasser des idées et améliorer la synergie. On travaille encore trop en silo. J’aimerais  également que l’on offre un accès gratuit à la bibliothèque Françoise-Bédard aux citoyens des autres municipalités de la MRC. Ça permettrait à des grands-parents de Saint-Antonin de venir avec leurs petits-enfants, par exemple. Cette mesure nous coûterait 4000 $ par année. C’est un prix dérisoire pour s’entraider et partager ce lieu à la valeur inestimable. »

Pierre Lévesque : « J’aimerais mettre sur pied une fondation de la culture pour les jeunes. Quand on fait de la diffusion, les projets pour les jeunes publics sont souvent les premiers coupés, parce qu’ils sont moins rentables. Une fondation permettrait d’aider les écoles à financer des sorties culturelles. Elle pourrait également aider des jeunes talentueux à apprendre la musique ou une autre forme d’art, même si leurs parents n’ont pas les moyens de payer leurs cours. Je caresse ce rêve depuis longtemps et j’aimerais donner ce legs au milieu, que je sois élu ou pas.

J’ai aussi une proposition pour que les organisateurs d’événements travaillent plus en synergie. Pour qu’ils ne se considèrent pas comme des compétiteurs, mais comme des partenaires dans l’attraction des clients. À l’image des congressistes, qui se sont unis pour faire leur promotion à l’extérieur de la ville.»

Sylvie Vignet : « À Rivière-du-Loup, nous avons de grandes richesses culturelles, mais on dirait que nous sommes gênés de les développer. J’aimerais par exemple mettre en lumière le circuit d’œuvres d’art public Publiqu’Art, soit en éclairant chacune des stations, soit en créant un véritable circuit guidé. Je crois aussi que nous devons nous doter d’un produit d’appel touristique. Un circuit d’art technologique en forêt, comme Nova Lumina à Chandler, serait merveilleux pour les familles d’ici et de l’extérieur. »

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