T’es capable, Kapé !

Les collections de Kapé sont attendues par les Louperivoises avec les mêmes symptômes d’excitation que les nouveaux iMachins par les geekettes: spasmes, insomnie et angoisse financière. Lors de ses lancements saisonniers, devenus des événements-où-il-faut-absolument-aller-avec-les-copines, les filles s’arrachent, sans pitié mais sans faire de blessées, ses mignonnes robes à col Claudine et ses camisoles à message désinvolte produites en quantité limitée. Depuis deux années, Kapé est sur une lancée.

Quand on débarque à Rivière-du-Loup, on est vite intrigué par ce logo carré qui s’affiche sur la tête des mamans branchées aussi bien que de leurs enfants, hipsters en formation. Ses tuques à revers sont devenues des publicités virales pour la griffe directement sortie de Cacouna.

À quelques jours du dévoilement de ses nouvelles pièces de convoitise (y compris un nouveau lot de tuques!), Catherine Pelletier, la capitaine de Kapé, apparaît en parfait contrôle du bateau. Souriante. Détendue. Pourtant, même si elle cache bien son jeu, ce lancement ne sera pas comme les autres. À un mois du jour J, la chute de son amoureux, contremaître des rénovations sur leur maison ancestrale, a ajouté un peu de houle dans son cycle tranquille de production. Il appert que le papa de ses deux garçons est aussi son photographe et son sérigraphe. Son bras droit étant confiné au lit avec une hanche fracturée et des vertèbres bousillées, la créatrice au bras gauche tatoué Kapé a dû échafauder un plan d’urgence et prendre les bouchées doubles pour tout livrer.

Pas de quoi perturber cette couturière disciplinée, qui achève de piquer un manteau sur l’une de ses quatre machines au moment fixé pour l’entrevue. « Je suis une machine moi aussi. Je tiens la cadence. Je suis très organisée. C’est certain que l’accident a changé les plans, mais tout sera prêt. Tout est déjà presque prêt », nous rassure la reine locale du « chic mou ».

Elle pointe alors la tringle qui couvre tout un mur de son atelier-boutique, au sous-sol de la maison transformée en chantier de construction. Les quinze pièces de sa collection Black and White s’y alignent. Catherine Pelletier les observe avec un air qui trahit un mélange de fierté et de doute. Un peu plus de fierté que de doute.

« On ne sait jamais si nos créations vont plaire. Au début de la production, il y a toujours un moment où je me dis que ça ne fonctionnera pas, que je suis dans le champ complètement. »

 

« Mes amies me convainquent vite du contraire. J’ai de très bonnes amies! Et puis, à chaque lancement, je suis éberluée de voir les clientes apporter tous les morceaux de la collection en cabine et repartir avec deux ou trois articles », déclare celle qui a fait ses classes chez Le Château, avant que la chaîne québécoise ne commence à s’écrouler lentement.

Cette incertitude, commune à tous les créateurs, explique pourquoi la diplômée du Campus Notre-Dame-de-Foy a fait jaunir son diplôme pendant des années dans son tiroir avant de sortir les patrons pour de bon. Ça explique aussi pourquoi elle occupe toujours un poste d’agente aux membres chez Desjardins.

Après ses congés de maternité, la mère d’Alfred et Henri a demandé et obtenu de son employeur un congé sans solde, qui lui a permis de construire sa clientèle et sa notoriété. En avril prochain, elle devra toutefois prendre l’une des plus importantes décisions de sa vie : retourner s’asseoir dans la chaise droite de son bureau financier ou rester sur le banc de couture hérité de sa grand-mère et se lancer dans le vide, avec ses jupes comme parachutes. La deuxième option en ferait la seule, sinon l’une des rares créatrices à vivre de la mode dans la région.

« Si tu me demandes où je me vois dans cinq ans, c’est ici. Dans 15 ans ? Je ne sais pas. »

 

« Créativement, j’ai débloqué en 2016. Depuis, mes affaires n’arrêtent pas de prendre de l’ampleur. C’est drôle à dire, mais je suis même victime de mon succès. Mes nouveautés se retrouvent toujours en rupture de stock, ce qui m’oblige à produire pour répondre à la demande, au détriment du temps de création. La prochaine étape serait d’embaucher quelqu’un pour m’aider dans la confection. Ce serait une grosse étape. Mais j’ai très envie d’aller au bout de ma passion », avance celle qui, grâce au pouvoir hallucinant des réseaux sociaux et à la qualité de sa boutique en ligne, expédie des vêtements jusqu’à Calgary et Moncton.

L’entrepreneure est persuadée qu’évoluer dans un petit milieu, éloigné des centres commerciaux colossaux et remplis de chaînes de mode jetable, a ses avantages. « Le bouche-à-oreille m’amène des amis d’amis, des gens qui connaissent mes parents. À Montréal, mon lancement serait noyé à travers d’autres événements. En revanche, les délais sont plus longs. Quand il me manque une fermeture pour terminer ma production, je suis un peu mal prise. Je dois me taper un voyage dans la grande ville. »

Déjà, Catherine Pelletier a la tête au temps des Fêtes et à la collection-capsule qu’elle créera dans des velours aux couleurs riches, notamment le vert forêt qu’elle n’a jamais exploré avant. Un autre gros événement automnal figure aussi à l’agenda de Kapé (un surnom hérité de l’école secondaire et formé par la contraction de son nom).

Entre nous, si elle peut arriver à sortir une collection avec un partenaire alité, il n’y a pas grand-chose qui pourra l’arrêter.

Allez, toutes ensemble : t’es capable, Kapé !

 

Lancement de la collection  Black and white

Samedi, de 17 h à 19 h

Best Western Plus Hôtel Lévesque

https://www.kapeboutique.com

 

 

La collection automne-hiver de Kapé…

EN UNE COULEUR

« Je dirais deux couleurs : le noir et le blanc. Je ne suis pas les tendances au pied de la lettre, mais c’était clair dès le départ que cette collection suivrait la thématique black and white. J’ai aussi intégré du bourgogne et du gris. »

EN UN TISSU

« Le stretch et le coton ouaté, pour leur confort. »

EN UN IMPRIMÉ

« Comme toujours, j’aime jouer avec les textures. On trouve de la dentelle opaque, mais aussi du croco. »

EN UN MORCEAU

« J’ai réussi à créer la robe la plus amincissante du monde! Et en plus, elle a des poches ! J’ai aussi créé trois manteaux. Je déteste coudre des manteaux, parce que ça casse mes aiguilles, mais les filles en réclamaient tellement ! »

 

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